Après s'être enfilé un paquet entier de chips, Harley daigna décoller ses fesses du canapé pour ranger et nettoyer la pièce où il accueillait ses clients pour les tatouer. La petite salle aux murs blancs se devait d'être dans un état impeccable et le ménage ne se fait pas tout seul malheureusement. Le jeune homme alla chercher un balais et une peau de chamois dans un placard et entreprit de faire le grand nettoyage. De sa part, c'était plutôt étonnant, surtout un dimanche soir. Harley estimait que le dernier jour de la semaine était fait pour dormir, il était donc hors de question de travailler mais il devait bien se l'avouer: il s'ennuyait à mourir. Il était nouveau dans le village, il venait d'emménager et ne connaissait personne. Par conséquent, il devait passer la plupart de ses journées chez lui. Son seul échappatoire était les chansons qu'il chantait sur la scène d'un bar de la petite ville, mais c'était une maigre consolation à coté des soirées de folie qu'il passait avant en compagnie de ses amis.

Harley était en train d'astiquer son matériel quand il entendit la sonnette retentir. Un instant, il cru avoir halluciné. La solitude peut faire perdre la tête parfois. Il décida tout de même de jeter un coup d'œil par la fenêtre et aperçu qu'un homme se tenait devant sa porte. A quelques pas, sur la route, se trouvait une voiture vomissant une épaisse fumée noire par le capot. Il déposa sa pince creuse et sa peau de chamois sur l'une des armoires et trottina vers sa porte. Il tourna la poignée et demanda doucement:

Sur le seuil, l'homme qui venait d'appuyer sur la sonnette semblait heureux, presque soulagé de voir le visage d'Harley apparaître derrière la porte de la petite maison. Il répondit à la question du jeune par un petit sourire puis il s'expliqua:

L'inconnu semblait plus qu'embarrassé par la situation. Harley jeta un dernier regard sur le pauvre véhicule qui agonisait puis il sourit nerveusement au jeune homme. Harley s'était promis de ne pas se faire remarquer en arrivant ici et là, une belle occasion d'être considéré comme quelqu'un de bon se présentait devant lui.

Harley n'attendit même pas la réponse de l'inconnu pour tourner les talons et s'enfoncer dans le petit hall d'entrée pour se rendre dans le salon. Il fouilla l'un de ses tiroirs et en sortit un annuaire téléphonique puis il se mit à chercher le numéro d'un mécanicien.

Alors qu'Harley feuilletait les pages du bottins, l'inconnu lui tendit une carte que le jeune homme se précipita de saisir entre deux doigts. Il l'observa un instant et au moment où il allait composer le numéro, la voix de l'inconnu l'interpella:

Le jeune homme avait bloqué le combiné du téléphone dans son cou et composa le numéro qui était indiqué sur la carte. Au bout de trois sonneries, quelqu'un lui répondit. Il expliqua en deux mots la situation au mécanicien, lui donna son adresse puis raccrocha. Il déposa le téléphone sur la table basse du salon puis il posa son regard sur le visage tendu de Jayson. Il lui sourit chaleureusement et lui dit d'une voix très douce qui ressemblait presque à un murmure:

Très poliment, Jayson demanda à Harley s'il pouvait avoir un coca et s'il pouvait utiliser le téléphoner pour passer un coup de fil à sa femme. En réponse, le jeune homme hocha la tête en souriant et quitta le salon pour aller dans la cuisine. Mais de toute façon, Coca ou pas, Harley aurait tout de même quitter la pièce par politesse. Il se posta devant son frigo et ouvrit la porte. Nous n'étions pas encore à la fin du mois que les réserves de nourriture du jeune homme étaient déjà presque toutes épuisées. Il soupira à la vue d'une barquette de beurre qui trônait en solitaire sur l'un des étages entre quelques feuilles de salade et deux tranches de jambon emballées dans du cellophane. Harley saisit la dernière bouteille de Coca et referma la porte du frigo. Il se dirigea vers l'une de ses armoires pour en sortir un grand verre et le remplit à ras bord. Il posa la bouteille sur la petite table en bois et revint vers le salon. Quand il entendit la voix de Jayson qui discutait toujours au téléphone, il préféra rester en retrait et attendre dans le hall que la conversation se termine. Il profita de ce moment pour rêvasser en regardant d'un air absent les petites bulles de gaz du coca éclater quand elles arrivaient à la surface du liquide. *Il avait bien de la chance, ce Jayson, d'avoir une petite femme qui l'attendait chaque soir au coin du feux et qu'il pouvait appeler pour ne pas qu'elle s'inquiète s'il était en retard...*

Dès que Harley entendit un "bye" suivit du bruit bien particulier du combiné de téléphone qui était reposé sur son socle, le jeune homme entra dans la pièce, le verre de Coca à la main et le présenta à Jayson. Il eut à peine le temps d'ouvrir la bouche pour dire le "s'il vous plaît" de politesse habituel quand la sonnette retentit pour la deuxième fois de la soirée.

Harley sourit à son "invité" puis il tourna les talons pour s'enfoncer dans le hall. Il trottina jusqu'à la porte d'entrée et l'ouvrit. C'est sans surprise qu'il découvrit que la personne qui venait d'écraser la sonnette n'était autre que le mécanicien. D'abord, le bleu de travail qu'il portait ne pouvait tromper personne. Ensuite, les traces de suies noires et épaisses qui recouvraient ses mains confirmaient la pensée du jeune homme.

Le jeune homme fit volte face au mécanicien et revint dans le salon pour prévenir Jayson de l'arrivée de son sauveur. Il lui sourit et lui fit un signe de tête désignant la porte d'entrée:

Jayson se mit à discuter avec le mécanicien qui lui demanda ensuite de le suivre dehors, jusqu'à la voiture qui fumait beaucoup moins qu'à son arrivée. Sans doute pour lui expliquer d'où venait le problème qui mettait le véhicule hors d'état. Harley, ne sachant pas trop quoi faire, décida de revenir dans le salon, en attendant que Jayson ait terminé son "entretien" avec le mécanicien. Il avait tout de même laissé la porte d'entrée entre-ouverte au cas où le jeune homme aurait eu encore besoin de lui ou de son téléphone. Harley s'approcha de son sofa et s'affala dans celui-ci avec la grâce d'un éléphant de mer. Il s'allongea de tout son long et bascula sa tête en arrière, laissant ses cheveux [qui avaient pas mal poussés depuis qu'il avait quitté la ville où il s'était installé avec sa fiancée, auparavant] frôler le parquet. Il promena sa main sur son torse puis sur son pantalon jusqu'à ce qu'elle atteigne sa poche. Il fouilla un peu et en sortit un paquet de cigarette décoré d'un énorme slogan "FUMER TUE" sur le devant. Rien à faire, il prit une clope, la bloqua entre ses lèvres en cherchant son briquet dans son autre poche puis l'alluma. Il expira une grande bouffée de fumée puis ferma les yeux en attendant le retour de Jayson, qui s'en irait peut être en même temps que le mécanicien. Il souleva une paupière puis l'autre et se rendit compte qu'une épaisse couche de poussière recouvrait le sol. Une moue de dégoût se dessina sur visage puis il referma les yeux pour reprendre une bouffée de la cigarette qui se consumait entre ses doigts. Sans même s'en rendre compte, il pensa à voix haute, comme à son habitude:

Après avoir attendu dix bonnes minutes, Harley s'était mis à somnoler dans la même position qu'il avait adopté depuis tout à l'heure. Il allait bientôt vraiment s'endormir jusqu'à ce que deux petits coups donnés à la porte d'entrée le sortent de son sommeil. Il ouvrit les yeux, se redressa et s'avança dans le hall. Il se doutait que ça ne pouvait être que Jayson mais après, on ne sait jamais. Autant vérifier. Il s'approcha de la porte et c'était en effet le jeune homme qui venait de frapper poliment à la porte. Il sembla embarrassé et lui demanda:

Harley hocha la tête et un sourire chaleureux se dessina sur son visage un peu pâle. Il jeta un coup d'oeil à l'extérieur et constata que le véhicule de son invité avait disparu, avec le mécanicien et la dépanneuse d'ailleurs. Le jeune homme se retourna vers Jayson, fronça les sourcils et demanda: